Anatomie et Yoga : hyperlaxité et hypolaxité

Variabilité de l’élasticité tissulaire : hyperlaxes… et leurs opposés invisibles

Au-delà des limites osseuses, certaines personnes possèdent une souplesse naturellement élevée, tandis que d’autres restent rigides malgré des années de pratique.

9.1 Hypermobilité articulaire

Elle concerne environ 10 à 25 % de la population [10]. Elle peut être bénigne, ou s’inscrire dans un syndrome du spectre de l’hypermobilité (HSD) ou un syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile (hEDS)[11–12]. Ces cas présentent une élasticité accrue des tissus conjonctifs, objectivée par tests physiques et mesures biomécaniques [12].

9.1.1 syndrome d’Ehlers-Danlos et cas extrêmes

Capture du film Broadway Rhythm (MGM, 1944), performance des Ross Sisters — un exemple spectaculaire d’hyperlaxité.

Les fameuses Ross Sisters atteintes du syndrome d’Ehlers-Danlos faisaient des spectacles de cirque extrêmement surprenants. Leur performance est visible dans ce réel Instagram, commenté par une médecin spécialiste. Elle rappelle que ces patient.e.s présentent une grande fragilité des tissus conjonctifs, avec un risque accru de douleurs chroniques, de douleurs pelviennes et de hernies. Autrement dit l’hyperlaxité n’est pas un “super-pouvoir” : elle peut s’accompagner de contraintes physiques importantes, et dans le yoga, elle n’est pas forcément un avantage.

9.1.2 Hypermobilité du quotidien : mon expérience personnelle

Vers 2015 j’avais fréquemment des douleurs autour des genoux et on m’a fait remarqué que j’étais un peu hyperlaxe des genoux, alors en yoga j’ai réappris à tendre mes jambes sans aller bloquer le genou vers l’arrière. Puis en 2023 quand je me suis mise sérieusement à courir des douleurs ont recommencé. Le professeur de yoga que je suivais me disait de faire des Supta Virasana pour mes genoux, du fait de son expérience je l’ai soigneusement écouté. Après de nombreux mois, toujours les douleurs, de la rééducation par le renforcement chez le kiné, j’ai finis par montrer cette posture à mon kiné qui stupéfait a ricané en m’indiquant que cette posture provoquait tout le contraire : une fragilisation des genoux. Trop de pression, trop d’étirements. J’ai stoppé la posture et en moins de deux mois mes genoux allaient bien mieux.

Supta Virasana – la posture que j’évite, pour la santé de mes genoux

9.2 Hypomibilité articulaire

À l’inverse, certaines personnes, même assidues, ne gagnent pas significativement en souplesse. Des études montrent que la limitation articulaire passive dépend souvent davantage de la tolérance à l’étirement que de la raideur musculaire ou tendineuse [16].

Enfin, les tissus conjonctifs présentent une plasticité limitée : leur adaptation reste très variable selon les individus [17].

👉 Implication pratique : certaines personnes ne deviendront probablement jamais très souples, malgré la régularité. Et c’est tout à fait acceptable : cela ne diminue en rien la valeur de leur pratique. Un yoga respectueux de ces réalités biologiques reste un yoga intelligent.


Je suis professeure de yoga depuis 2009. Chaque semaine, j’accompagne une centaine de personnes, chacune avec son histoire et sa manière unique d’habiter le mouvement.
Mon parcours dans la recherche scientifique m’a appris à questionner, chercher des preuves et croiser mes observations avec les découvertes de la recherche. J’aime garder cette rigueur tout en restant dans une approche humaine et sensible.
Je ne donne pas d’avis médical et je n’établis pas de diagnostic : mon rôle est d’ouvrir des pistes de réflexion, de partager des clés de compréhension, et de rappeler qu’il est toujours possible de consulter un·e professionnel·le de santé en cas de besoin.
Dans le yoga comme dans l’écriture, mon intention est d’accompagner sans blesser, avec la conscience que chaque corps a son histoire et ses fragilités.

[10] Remvig L, et al. Epidemiology of general joint hypermobility and basis for the proposed criteria for benign joint hypermobility syndrome. J Rheumatol. 2007;34(4):804–809.

[11] Castori M, et al. The Ehlers-Danlos syndrome, hypermobility type: the most common heritable connective tissue disorder. Rheumatology (Oxford). 2013;52(12):2076–2087.

[12] Celletti C, Camerota F. Joint hypermobility syndrome, Ehlers-Danlos syndrome hypermobility type: the same disorder? Reumatol Clin. 2013;9(6):327–332.

[13] Rombaut L, et al. Muscle properties in the hypermobility type of Ehlers–Danlos syndrome. Arthritis Care Res. 2012;64(5):766–772.

[14] Konrad A, Tilp M. Increased range of motion after static stretching is not due to changes in muscle and tendon structures. Clin Biomech. 2014;29(6):636–642.

[15] Konrad A, et al. Associations between range of motion and tissue stiffness in young and older people. Clin Biomech. 2020;73:30–35.

[16] Kruse NT, Scheuermann BW. The influence of stretching type and dose on the viscoelastic properties of muscle-tendon units. Sports Med Open. 2022;8(1):52.

[17] Hopkins Arthritis Center. Ankylosing Spondylitis. Johns Hopkins University (consulté 2025).